Pratique architecturale pragmatique / 2010-2012 /
opH’Ouse

 

La villa « opH’Ouse » se dispose sur une langue de terre longue de 100 mètres pour une largeur de 15 mètres. Cette proportion inhabituelle force le regard à se projeter sur une ligne d’horizon  qui ne rencontre aucun obstacle avant la chaîne des Pyrénées trois cents kilomètres plus loin. Un ravin d’une hauteur de quelques mètres sépare le terrain d’une vaste étendue d’eau, l’étang de Thau. Le terrain filiforme surplombe l’étang de Thau. L’amplitude du lieu va gouverner l’architecture.

Madame D. désirait à mots esquissés une maison où une espèce de fluidité spatiale se développe pour ne pas contrarier la contemplation du paysage et la relation au lieu. Avant d’être une histoire spatiale, il s’agit d’une micro-politique des affects. Aucune aspérité physique ne devait contrarier la traversée de l’architecture afin de projeter le regard au dehors. Comme l’histoire d’un courant d’air qui passe dans un tuyau et qui s’échappe à la fin du passage. Tout le corps se dresse pour être absorbé par le lieu. L’évènement des affects tient dans l’œil  qui perce et le corps qui traverse. L’œil devient l’organe corporel de la saisie finale, le corps s’accordant le plaisir de traverser la maison de manière fluide et légère. L’architecture se traverse comme on traverse le terrain originel pour être affecter par le dehors. « opH’Ouse » devient l’évènement d’une multitude de saisies visuelles singulières tandis que le corps ne s’accroche à plus rien et ne rencontre plus aucune altérité perturbant cette expérience optique.
Le défi rencontré tient dans l’expression d’une forme furtive de l’architecture sachant que la construction est en maçonnerie. Comment faire pour oublier la masse alors même que la construction est en brique ?
L’architecture ne s’organise pas immédiatement en espaces, elle se concentre sur la mise en place de dispositifs optiques qui rendent compte des vues, des parcours et des rapports au dehors. L’architecture s’étire et répartit le long de son corps ces dispositifs optiques qui se définissent de manière occurrente. Les objets partiels matérialisent les dispositifs optiques. Les forces motrices  de la traversée et les forces optiques de la percée conditionnent ces objets partiels. Tout doit être neutralisé autour de ces trous optiques, de ces béances lumineuses.  Neutraliser la matière, c’est amoindrir l’impact perceptif des surfaces. Tout autour de ces objets singuliers, des masses de remplissages se répartissent et se géométrisent en fonction des objets partiels. « opH’Ouse » consiste à déployer des objets partiels remarquables comme dispositifs optiques et des objets interstitiels  de remplissages. Leurs formes sont renseignées par les formes singulières et le rythme des objets partiels. Une hiérarchie organisationnelle impose à la géométrie des masses interstitielles une forme subordonnée aux coordonnées spatiales des objets partiels. Et ces coordonnées sont elles-mêmes définies par des rapports de voisinages entre les objets partiels et par des objectifs de percées et autres cadrages singuliers.

Chaque objet partiel obéit à un certain nombre de contraintes affectives (percée optique, effacement de la matière) et de contraintes extrinsèques d’ordre urbanistique, économiques et techniques. Ces formes contradictoires informent la matière (la maçonnerie) pour singulariser chaque objet et leur position les uns par rapport aux autres (fréquence musicale non métrique).
Un premier type de dispositif optique a exigé de plier un mur directeur avec à son bout (de fusil) un cadre (une lentille de visée). Cet objet poursuit sa différenciation (sa propre définition) en compressant l’espace grâce au plafond qui s’abaisse jusqu’à hauteur de tête et détermine la dimension de chaque trou. « opH’Ouse » répète plusieurs fois cette opération en fonction des usages et du rapport au dehors.
On retrouve au bout du parcours d’autres objets partiels : des cadres très particuliers qui sont autant de vues partielles et démultipliées d’une seule vue homogène perçue d’une unique pièce. Il y a autant de pièces et d’usages que de vues singulières.
Une autre traversée est la percée la plus pure, celle où le corps ne poursuit pas une ligne optique. Les surfaces sont crevées par une meute de trous : une succession de cadres transpercent les différents murs pour donner à voir l’horizon rythmé par les montagnes à travers la masse.

L’architecture se libère d’une forme d’obéissance à des règles hiérarchiques qui gomment les spécificités. Elle trouve sa cohérence non plus dans une unité organisationnelle et spatiale mais dans la fréquence et l’articulation organique d’objets partiels (murs de biais, pans de toitures différentes, fenêtres différentes…) qui agencent l’espace et dans la neutralisation des masses interstitielles qui n’a d’autre forme que de remplissage aveugle et subordonné. Cette politique architecturale permet aux affects originellement désirés de se déployer.